On admire notamment chez Massoudy l'introduction et l'usage magistral qu'il fait de la couleur dans ses compositions. Il a des lavis opalescents, des chevelures d'émeraude, des camaïeux beiges qui s'enrichissent de profondeurs boisées et d'arômes de santal. C'est une ère nouvelle qui s'ouvre ainsi à la calligraphie. Oui, les amateurs d'antiquité et d'exotisme risquent d'être déçus. Hassan Massoudy n'est pas le fossile vivant de la vieille calligraphie arabe. C'est un artiste de notre temps. Son art appartient à cette fin du XXe siècle, malgré les racines millénaires qu'il plonge dans le Moyen-Orient.

Je voudrais souligner enfin ce qui fait essentiellement de la calligraphie, telle que nous la découvrons ici, une véritable sagesse. Qu'est-ce que la sagesse ? C'est un savoir total, c'est-à-dire comportant, outre son contenu théorique, une leçon pratique, morale, et même corporelle. Il y a certes une mystique et une métaphysique dans ces figures. Mais pour les tracer, le calligraphe doit maîtriser sa main, rythmer sa respiration, et disposer d'une énergie physique accumulée. Il y a là comme l'équivalent du yoga indien, mais avec - à nos yeux du moins - une richesse plus positive et un épanouissement esthétique plus gratifiant. Car il n'y a pas de vraie sagesse sans une promesse de bonheur.

Michel TOURNIER de l'Académie Goncourt (extrait de la préface)